A propos de Gustave Le Vavasseur,

poète et écrivain normand 1819-1896

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Gustave Levavasseur

Sa chaumière

en Pays d'Auge

par Lucien Viborel

par Charles Baudelaire

par Remy de Gourmont

Baudelaire & Le Vavasseur

by Rosemary Lloyd (eng)

Poésies complètes

tome I - II - III - IV

Quelques oeuvres

"Fantaisie municipale"

3 Portraits :  1   2   3

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Épilogues "Réflexions sur la vie" 1895-1898,

par Remy de Gourmont à Emile Barbé

Un ami de Baudelaire :

"Il restera toujours un peu de lumière autour de ce nom, Gustave Le Vavasseur, puisque Baudelaire l'écrivit en des pages qui ne périront pas. Dans la série des médaillons, appelée Réflexions sur quelques-uns de nos contemporains, Le Vavasseur vient le dixième et le dernier, après Leconte de Lisle, et c'est le seul des dix qui soit demeuré presque inconnu. Comme on ne peut supposer que Baudelaire ait crayonné son portrait par pure amitié, il faut admettre qu'il avait plus d'intelligence que de talent et qu'il fit, au temps de sa jeunesse, des promesses pour lui impossibles à tenir. Ou bien fut-il un dédaigneux ? Raté, diraient sans doute, s'ils pouvaient cesser de s'occuper d'eux seuls, un tas de très candides petits poètes, aveugles sur leur propre destinée future. Raté, c'est un mot injurieux et dont il ne faut pas ridiculiser un être dont la vie fut loyale. Raté, M. Zola a d'ailleurs émoussé la pointe haineuse de ce mot en voulant le faire entrer, pauvre flèche, dans du bronze. Quand le monde entier, et l'heure est proche, pensera, comme le célèbre Coprophage, que VilIiers, Barbey et Verlaine furent des ratés, le mot prendra un singulier aspect de gloire. En prévision des variations lexicographiques, il ne faut pas prostituer les injures : le souvenir de médiocres hommes nous est parvenu vénérable accolé à celui d'héroïques victimes. Il est des insultes dont il ne faut pas se servir et qu'il faut, soi, accepter avec une certaine modestie.

 

C'est en 1839 que Le Vavasseur se lia d'amitié tendre avec Baudelaire, à la pension Bailly, sorte d'abbaye de Thélème, dont le prieur rédigea l'Univers jusqu'au temps de Veuillot. Ils collaborèrent ensemble au Corsaire, puis, après le voyage forcé de Baudelaire aux Indes, devinrent le noyau de la petite "Ecole Normande", qui comprenait aussi un Picard et un Languedocien, Ernest Prarond et Jules Buisson. A cette époque (1843), Baudelaire était très gai, très causeur et très noctambule, récitait assez volontiers ses vers, et déclamait tragiquement les Satires de Boileau. Baudelaire, Prarond et Le Vavasseur écrivirent encore ensemble au Corsaire-Satan, 1843-1846 ; ils étaient payés un sou et quelquefois six liards la ligne ; Gustave Le Vavasseur est le seul témoin d'un des actes les plus singuliers et les plus inexplicables de la vie de Baudelaire : "Baudelaire prit part, comme insurgé, aux journées de juin 1848. Nous étions restés, Chennevières et moi, à la garde du Louvre... Nous sortîmes, allant à la découverte... Nous vîmes venir à nous deux personnages de différent aspect : l'un nerveux, excité, fébrile, agité ; l'autre calme, presque insouciant. C'était Baudelaire et Pierre Dupont... Je n'avais jamais vu Baudelaire en cet état. Il pérorait, déclamait, se vantait, se démenait pour courir au martyre..." On le calma et on le sauva. Ses mains sentaient la poudre. Singulière aberration que d'aller prendre parti et activement ! dans un conflit politique ! Jusqu'en 1851, Baudelaire, après cette fièvre, demeura infecté de socialisme, puis il guérit. Avait-il même été de bonne foi, lui qui écrivait en 1839, faisant allusion aux coquebins révolutionnaires, ces paroles sataniques et belles : "Quand on parle révolution pour de bon, on les épouvante. Vieilles rosières ! Moi, quand je consens à être républicain, je fais le mal, le sachant. Oui ! vive la Révolution ! toujours ! quand même ! Mais moi je ne suis pas dupe ! je n'ai jamais été dupe ! je dis : Vive la Révolution ! comme je dirais : Vive la Destruction ! vive l'Expiation ! vive le Châtiment ! vive la Mort ! Nous avons tous l'esprit républicain dans les veines comme la v... dans les os. Nous sommes démocrates et syphilisés." Oui, admirable Baudelaire, vrai grand écrivain, dernier père de l'Eglise ! On n'a jamais pris la peine de remarquer à quel point Baudelaire est "père de l'Eglise"; ce mot va donc choquer tous les ignorants.

 

L'empire fait, Gustave Le Vavasseur, qui avait alors une trentaine d'années, se retira en Normandie où il mena la vie non d'un grand seigneur, mais d'un seigneur de jadis, oracle, ami et père d'un peuple de paysans qu'il charmait et dominait naturellement par l'ascendant d'une nature heureuse et libre. Il ne fut plus guère question de lui dans les lettres que par la notice de Baudelaire, insérée d'abord, en 1861, dans l'Anthologie d'Eugène Crépet. Je n'ai pas connaissance que ses Notes sur Baudelaire aient été imprimées, sinon fragmentaires : c'est dommage".

Octobre [1896]

Mercure de France 1903

Source:Les amateurs de Remy de Gourmont